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Pari tenu. Il y a à peine un an, l'ancienne ministre du Travail, Muriel Pénicaud, lançait son appli pour smartphone, Mon compte formation, suite à sa réforme de la formation professionnelle. Avec un crédit individuel en euros et non plus en heures de formation, ce compte permet d'acquérir 500 euros par année de travail voire 800 euros pour les moins qualifiés.

Douze mois plus tard, les résultats de cette innovation opérée par la Caisse des dépôts et vendue comme « révolutionnaire » sont conformes aux objectifs fixés à l'époque. En un an, le nombre de formations suivies devrait atteindre un million contre 650 000 financées via le Compte personnel de formation ancienne formule, soit une hausse d'un peu plus de 50 %. Et ce malgré le confinement au printemps. Cela devrait représenter un milliard d'euros d'investissement de l'État.

L'application pour téléphone permet notamment la géolocalisation pour faire apparaître les formations disponibles près de chez soi. C'est la preuve que la puissance publique sait développer des projets innovants qui fonctionnent et permettent de court-circuiter toute la complexité administrative. 63 % de ceux qui ont suivi une formation grâce à Mon compte formation sont désormais employés, ouvriers ou techniciens alors que la formation professionnelle était jusqu'alors plutôt accaparée par les cadres.  

Un an après le lancement de l'application Mon compte formation en euros, quel est le bilan ?

C'est un bilan très positif que nous tirons avec le ministère du Travail. En un an, nous aurons réalisé 1 million de formations pour 1 milliard d'euros d'investissements. Notre cible est largement atteinte, nous ne nous doutions pas que ça irait aussi vite. Je pense que le bouche-à-oreille a été très favorable. Nous avons aussi constaté que les bénéficiaires sont moins exclusivement des hommes cadres et ils sont plutôt plus jeunes qu'auparavant. Il y a maintenant pratiquement autant de femmes que d'hommes, et plus de jeunes et de seniors. Par ailleurs, le prix moyen des formations baisse. Cela veut dire que l'application Mon compte formation en euros a aussi eu des vertus de régulation parmi les organismes de formation.

Comment le confinement du printemps a-t-il affecté les comportements ?

Le système a tenu le coup pendant la crise. Avant le premier confinement, nous enregistrions 3 000 inscriptions par jour à des formations sur l'application. Nous avons atteint un point bas d'inscriptions lors des deux dernières semaines de mars, au début du confinement, avec 1 000 inscriptions par jour. Mais le volume de formations a redémarré très vite à la sortie du confinement. À partir de l'été, nous avons atteint 7 000 inscriptions à des formations par jour. Et depuis la nouvelle période de confinement, l'activité de formation n'a pas ralenti. Le premier confinement a aussi accéléré la digitalisation des formations. Nous sommes passés de 72 000 sessions de formations à distance sur un catalogue de 400 000 sessions au total en mars à 900 000 sessions au total, dont 266 000 sessions à distance au 1er novembre, avec un pic en août de 400 000 formations à distance. Cela veut dire que les formations à distance sont rentrées dans les mœurs. La plupart des organismes de formation ont réussi une mutation assez remarquable. Ils ont étendu leur offre de manière très rapide. Il faut dire qu'ils étaient obligés de fermer leurs locaux, ils n'avaient donc pas trop le choix.

Quelles formations ont été plébiscitées ? À quoi se sont formés les Français ?

Les formations qui avaient le plus de succès il y a encore un an ou 18 mois, notamment les formations linguistiques, sont moins courues qu'avant. D'autres formations plus techniques et plus certifiantes sont montées en puissance. Les formations les plus demandées sont celles du transport, de la manutention et du magasinage. Elles répondent souvent à des offres d'emploi non satisfaites. Ce sont souvent des métiers dans lesquels il y a des barrières à l'entrée en termes de certification technique. Auparavant, ces formations représentaient 14 % du total, contre 30 % aujourd'hui. On voit donc émerger un public en recherche d'emploi ou en transition professionnelle qui a identifié un emploi et une certification nécessaire pour exercer une profession et qui utilise l'application pour l'obtenir.

En deuxième position, on retrouve toutes les formations de développement des capacités d'orientation, d'insertion ou de réinsertion (bilan de compétences, validation des acquis de l'expérience, créations ou reprises d'entreprise). Elles sont passées de 10 à 20 % du total. Elles concernent plutôt des salariés, souvent entre 35 et 45 ans, dans une logique de reconversion. Quant aux langues, qui représentaient 40 % de la demande, elles ne représentent plus que 18 % des formations sélectionnées via le compte personnel de formation.

Le CPF, une application dédiée uniquement aux cadres ?

Beaucoup de gens utilisent également l'application pour s'inscrire au permis B. Cela concerne des jeunes de 15 à 24 ans, mais aussi beaucoup de 25-35 ans qui complètent souvent la somme nécessaire avec leur carte bancaire, pour lever cette barrière à l'emploi que constitue l'absence de permis de conduire. Des formations pour des métiers émergents apparaissent également, comme celles qui permettent de conduire des drones, pour faire du repérage cartographique, par exemple. Elles montent en flèche comme les formations de pizzaïolo. Nous avons aussi pas mal de formations pour les métiers du bien-être ou des formations dans les métiers de technologies (data officer, marketing digital, etc.). 

Une sorte de légende urbaine présentait le compte personnel de formation comme une application pour les cadres supérieurs centrée sur les formations en langues étrangères. Les chiffres que nous avons invalident cette croyance : 66 % de ceux qui suivent une formation grâce à Mon compte formation sont employés, ouvriers ou techniciens. 38 % ont un niveau de formation BEP-CEP ou en dessous. En termes d'âge, 61 % ont entre 30 et 49 ans, mais les seniors en profitent également car 19 % ont plus de 50 ans.

Combien de Français ont été obligés de compléter le paiement de la formation avec leur carte bancaire ?

Il faut d'abord souligner que ce n'est pas forcément négatif : beaucoup d'organismes de formation nous disent qu'il y a moins d'abandons durant la formation lorsque l'utilisateur a payé une partie de sa poche. Nous avons enregistré 103 000 paiements par carte bancaire soit 1 personne sur 8. Pour le paiement du permis de conduire par exemple, un tiers des 15-24 ans a complété son paiement sur ses deniers personnels pour 260 euros en moyenne sur un coût total moyen de 1 000 euros.

D'autres financeurs que l'État ont-ils déjà abondé le compte de formation ?

Pôle emploi a pu commencer à abonder le compte personnel de formation à partir du 3 juillet. L'application reconnaît toute seule les demandeurs d'emploi : lorsqu'il leur manque de l'argent pour s'inscrire à une formation, elle leur propose automatiquement de demander le complément à Pôle emploi. C'est le conseiller Pôle emploi qui instruit la demande. Si la réponse est positive, le compte est crédité de la somme accordée. Cette opération prend cinq jours en moyenne. Depuis le 3 juillet, nous avons enregistré 17 000 demandes auprès de Pôle emploi dont 60 % ont reçu une réponse positive, soit sous forme d'abondement du compte, soit via une proposition de formation correspondante déjà financée par Pôle emploi. Cela représente 29 millions d'euros d'investissement de la part de Pôle emploi. Les usagers sont très satisfaits car ils n'ont pas à subir de procédures administratives compliquées. Le système sera ouvert à l'abondement des régions avant la fin de l'année, qui pourront orienter les formations en fonction des besoins identifiés sur leur territoire.

En ce qui concerne l'abondement par des entreprises, le service est ouvert depuis le 3 septembre. 1 000 d'entre elles ont déjà fait des abondements sur les comptes en faveur d'un peu moins de 2 000 salariés, pour un peu moins de 5 millions d'euros. C'est encore modeste, mais 70 000 entreprises se sont connectées au système et sont donc intéressées. Par ailleurs, nous avons signé une première convention avec la région Pays de Loire pour 1 million d'euros en septembre pour tester un financement de certifications d'ingénieurs qui correspondent aux besoins du territoire. Nous négocions en ce moment un nouvel abondement beaucoup plus important de 30 millions d'euros. Nous allons aussi être un vecteur du plan de relance, notamment pour les formations que l'État veut développer dans le domaine du numérique.

Quels sont vos projets pour l'application dans les prochains mois ?

Nous développons en permanence l'application. L'évaluation par les utilisateurs des formations qu'ils ont suivies est déjà possible et, à partir de janvier 2021, nous les ferons apparaître. Nous avons déjà plusieurs dizaines de milliers de notes que nous allons rendre publiques sur des bases solides. Un peu plus tard dans l'année, nous allons mettre en place le « passeport compétences », qui regroupera en un même endroit, pour chaque utilisateur, les formations validées mais aussi les diplômes, grâce à un partenariat avec l'Éducation nationale. Ce sera un peu comme un LinkedIn « à valeur probante ». Il contiendra même vos expériences associatives et vos mandats électifs d'ici la fin de l'année 2021. Le tout sera partageable avec un futur employeur.

 

Source : Article du journal Le Point du 18/11/2020

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